La Taillerie, Gemmologue Française
Valérie est gemmologue et elle va vous en apprendre énormément sur les pierres, les diamants, des astuces pour prendre soin de vos bijoux. C'est un véritable honneur et bonheur de l'avoir interviewée !
J'ai eu la chance de rencontrer Valérie qui a eu la grande gentillesse de partager avec nous beaucoup de précieux conseils. Comment reconnaître si ses bijoux ont de la valeur ? Comment en prendre soin ? Je vous laisse lire ...
Quelle est votre histoire ?
C’est une grande et belle histoire de famille. De génération en génération, toute ma famille a travaillé dans les pierres. Mes arrière-grands-parents étaient lapidaires à domicile, mes grands-parents le faisaient en usine et mon père s’est installé à son compte.
En fait c’est une tradition dans le Jura.
Pourtant si je ne me trompe pas il n’y a pas de pierres précieuses dans le Jura. Quel est le lien ?
Effectivement il n’y en a pas du tout. Le Jura est une zone géographique où il y a trop de calcaire. Mais si les lapidaires étaient là c’était pour deux raisons.
À la base tout le monde était agriculteur mais les hivers étaient rudes. À cause de la neige, ils se retrouvaient à devoir rester dans leurs maisons tout l’hiver. Un complément d’activité était nécessaire.
Cela a donné lieu à toutes les activités du Jura. La fabrication de lunettes, de jouets, les tailleurs de pierre, etc. C’était des activités pour l’hiver.
La seconde raison est qu’à l’époque les montres se remontaient et il fallait dix-sept rubis dans le mécanisme. Comme nous sommes à côté de la Suisse, tous les horlogers avaient besoin de lapidaires. Ils faisaient donc appel aux agriculteurs du Jura.
À l’entrée de l’hiver on leur donnait toutes les pierres brutes et à la fin de l’hiver ils les rendaient taillées et étaient payés.
Quand l’électricité est arrivée, beaucoup d’usines ont ouvert. Ensuite c’est devenu un métier à part entière. À partir des années 60, les pays producteurs se sont mis à tailler les pierres directement à la source et l’activité du haut Jura s’est retrouvée plus que lésée.
À l’époque le Jura comptait huit mille lapidaires, il n’en reste aujourd’hui
qu’une trentaine. La matière première n’arrivait plus jusqu’à nous.
Ils se sont par contre heurtés à un souci de taille. Toutes les pierres brutes ont une forme très spécifique et facilement détectable avant la taille, mais que l’on ne retrouve plus une fois que la pierre est taillée. Une fois taillées, les pierres arrivant sur le marché européen et américain, étaient mélangées (pierres naturelles, pierres synthétiques, imitations, verre, etc)
C’est comme cela qu’au début des années 80 le métier de gemmologue est arrivé. Il était nécessaire de séparer les imitations et synthèses des pierres naturelles.
C'est ainsi que les pays producteurs de pierres (Asiatiques et Africains) ont fait naître le métier de gemmologue.
Vous êtes-vous directement orientée vers gemmologue ?
Petite, je travaillais tout le temps avec mon papa. J’allais avec lui sur les marchés et je passais des après-midis entiers au magasin à regarder des pierres.
J’avais envie de travailler dans le milieu des pierres mais mon père essayait de m’en dissuader, car il savait que ce métier était en train de mourir.
Et en même temps j’aimais le monde des pierres mais je n’avais pas envie d’être lapidaire.
Après un bac Littéraire, j’ai tout quitté pour partir à Toulouse. J'y ai passé un DUT Techniques de commercialisation. Mais j’ai fini par me rendre compte que les pierres me manquaient et j’ai décidé de faire de la commercialisation de pierres.
J’ai passé une formation pour obtenir le diplôme international.
Par contre c’était très compliqué ! Je me retrouvais plongée dans la chimie, les électrons, etc. Car en fait tout est question de chimie et d’optique.
Les débuts ont été très, très difficiles. J’ai dû m’accrocher !
Une fois la base comprise, on nous apprend tout sur les outils et les différentes familles de gemmes. On apprend tout sur les gemmes, qui
se composent de quatre familles: pierres précieuses, pierres fines, pierres organiques et pierres ornementales.
Après l’obtention de mon diplôme, j’ai travaillé avec mon père avant son départ à la retraite. Les choses se sont précipitées et j’ai repris son entreprise.
À l’heure actuelle, êtes-vous seule à la Taillerie ?
Quand mon père est parti en retraite, j’ai repris avec ma maman qui avait toujours travaillé avec lui. Depuis l’année dernière je suis vraiment toute seule. Mais mes parents vivent toujours à côté et sont là pour m’aider.
Petite anecdote ! Petite, je faisais des colliers de perles au magasin et je mettais une journée entière pour monter trois colliers. Cet été, ma fille de cinq ans n’a pas arrêté de me demander de faire des colliers de perles ! C’est rigolo. Ça se transmet.
Comment se passe une journée de travail chez vous ?
Il n’y a pas vraiment de journée de travail type, car je suis à mon compte. C’est ce que j’aime aussi. J’ai un magasin où je reçois du monde. Beaucoup de gens viennent se renseigner. Je peux passer une journée entière à la boutique, juste pour m’occuper des visiteurs.
Je réserve une journée pour les expertises pour les gens qui ont hérité de bijoux et qui ne savent pas du tout s’ils ont de la valeur ou si c’est du synthétique ou bien pour ceux qui ont des pierres chez eux et souhaitent savoir ce qu'ils ont. Je fais cela uniquement sur rendez-vous et c’est souvent les samedis.
Ensuite je dois aussi m’occuper de tous les rendez-vous pour les gens qui veulent des choses très spécifiques comme, par exemple, une création de bijoux pour leurs quarante ans de mariage. Je travaille avec un joaillier et ensemble nous établissons le budget. Ensuite je vais chercher la pierre en contactant tout mon réseau pour savoir qui a la pierre que je recherche.
C’est toujours très intéressant.
Je peux être amenée à parcourir le monde pour la trouver. Ce serait uniquement dans le cas où le client n’est pas pressé.
Grâce à ma formation internationale, j’ai un immense réseau autour de moi. C’est un métier où l’on va être très complémentaires. J’ai des très bons contacts dans les différents pays. Très souvent, les autres gemmologues ne travaillent que pour des professionnels donc ils redirigent les particuliers vers moi.
Il faut aussi constamment être à jour sur les évolutions. Les contextes géopolitiques sont aussi importants. Par exemple, il y avait une pierre extrêmement rare et chère que l’on ne trouvait qu’en Russie. Le grenat vert, appelé grenat démantoïde.
Un jour à Madagascar ils en ont trouvé beaucoup. Cette pierre reste rare, mais une seconde source d'une telle gemme en fait diminuer le prix sur le marché. Ce genre de choses, nous devons le savoir en tant que gemmologue.
Vous ne vous ennuyez pas !
C’est ça ! Et comme je suis toute seule et que je gère le magasin en plus d’internet, il y a beaucoup de choses à faire. L’avantage c’est que je peux aussi le faire au gré des envies.
Combien y a-t-il de gemmologues en France ?
Après avoir suivi la formation et obtenu le diplôme international nous héritons d’un numéro. Je peux du coup travailler partout dans le monde. Sur la formation que j’ai faite nous sommes environ dix par an à l’obtenir. Beaucoup vont travailler dans les douanes, les assurances ou bien encore les ventes aux enchères ou travaillent pour de grands noms.
Je suis toujours en contact avec ma professeure de gemmologie. Récemment, elle me disait que je suis la seule en France à m’être installée à mon compte et à recevoir des particuliers à mon magasin. En général on ne peut jamais rencontrer les gemmologues.
J’ai parfois des gens qui viennent de Paris ou de Bordeaux, car ils ne veulent passer que par un gemmologue pour être sûrs d’avoir une vraie pierre.
Sur votre site, vous dites que tout est français. Pourtant vos pierres viennent du monde entier.
C‘est uniquement la création qui est entièrement faite en France. Il n’y a aucune pierre qui soit française. Je travaille avec un joaillier qui est sur Lyon et qui ne fait rien en série. Tout est vraiment fait à la main. On peut faire des dessins, imaginer des bijoux. Ensemble, nous allons vraiment créer un bijou personnalisé et unique. Beaucoup de joailliers font de la fabrication française mais achètent des montures toutes faites en Inde. Alors que dans notre cas, tout est entièrement fait en France et à la main. Il ne travaille jamais avec des moules. Donc si vous voulez trois fois la même bague pour vos filles, elles ne seront jamais exactement pareilles.
Est-ce qu’il vous arrive d’avoir des retours ?
Je travaille avec le même joaillier que celui de mon père. J’ai très peu de retours. Bien sûr, ça arrive car personne n’est parfait ! Mais certains de mes clients, 25 ans plus tard n’ont jamais perdu une pierre et portent leur bague en permanence.
Ces sept dernières années, je n’ai eu que deux retours. Quoi qu’il arrive, les retours sont pris en charge.
Comment reconnaît-on la qualité d’un diamant ?
Le diamant est une pierre totalement à part, que ce soit par la taille ou pour sa commercialisation. Ce n'est pas la pierre la plus intéressante à vendre pour moi, mais c'est celle qui est la plus vendue et celle qui nécessite le plus de conseils et de réflexion. Le diamant est classé selon son poids, sa taille, sa couleur et sa pureté (les fameux 4C : carat, color, clarity, cut). Pour classer un diamant il faut en manipuler toute la journée et acquérir l'œil au fil du temps. Une différence d'une nuance de blanc, peut en changer grandement le prix ! Des personnes sont spécialisées dans le classement des diamants.
Donc on ne peut pas reconnaître nous-même un vrai diamant d’un faux.
Malheureusement non. Surtout qu'il y a des diamants naturels de belle qualité, des diamants naturels de moindre qualité, des oxydes de zirconium, moissanite, zircon, etc., qui imitent très bien le diamant, et depuis peu également des diamants synthétiques. Le diamant synthétique sera le plus compliqué à détecter sur le marché, alors qu'il est assez facile de voir une imitation pour un œil averti et expert. Pour le particulier ces pierres sont toutes similaires à regarder.
Pour les autres pierres c’est plus simple. En tant que particulier, vous ne pouvez pas vraiment savoir. Il y a beaucoup de mensonges. À l’étranger, il n’y a pratiquement que ça : c’est le cas de plus de 80 % de mes expertises sur les achats à l’étranger.
Quand les gens achètent en France, il y a des contrôles. La bijouterie est contrôlée. Si vous avez acheté en France et que vous vous apercevez que votre pierre s'avère fausse, vous pouvez retourner chez le bijoutier pour le dire et il risquera des amendes.
Dans certaines franchises françaises, vous avez des bijoux qui défient toute concurrence mais en réalité il n’y a même pas un gramme d’or et tout est fait en Inde. Ce n’est vraiment pas de la qualité. Par contre ce ne seront pas des pierres synthétiques. Simplement, elles seront toutes petites et pas de bonne qualité.
Dans le luxe nous sommes sûrs de ce que nous achetons ?
Oui. Ils ont tous des gemmologues qui sillonnent le monde entier et vérifient tout.
Pouvez-vous nous donner quelques conseils ? Par exemple ce qu’il faut regarder pour savoir tout de suite si on achète de la qualité.
Pour les pierres, parfois les clients le voient en comparant les prix. Mais en fait on peut le voir à la couleur qui est beaucoup plus brillante. Il faut vraiment avoir l’œil et comparer les pierres l’une à côté de l’autre. Elles doivent être lumineuses et transparentes.
Pour les bijoux, des poinçons existent qui montrent si la fabrication est française ou pas : le poinçon français a une tête d’aigle. On prend une loupe et on voit. Dès que c’est de la fabrication française, nous savons déjà que la monture va être de qualité.
Sinon il n’y a pas vraiment de conseil. Au pire on prend une loupe, le vendeur va avoir peur et va se rétracter !
Comment se passe le sur-mesure chez vous ?
Je fais beaucoup de créations sur internet. Les gens m’envoient des schémas, des croquis. J’envoie un devis par email et parfois les créations sont entièrement faites à travers internet. Il y a des clients qui viennent choisir les pierres en magasin, d'autres qui viennent chercher le bijou à la fin. J’ai beaucoup de cas de figure différents. Les gens savent où est ma boutique et ils savent qu’ils peuvent venir me voir s’ils ont besoin.
Peut-on facilement transformer des bijoux anciens ?
Oui. On peut faire une transformation pour changer la pierre et il y a aussi la transformation où l’on fait tout fondre. Chez mon joaillier on utilise tout l’or du client pour refaire quelque chose à côté. Les gens peuvent fournir leur métal ou pas. Il n’y a aucune plus-value et cela reste libre au client.
Quel est le meilleur moyen d’entretenir ses diamants ? Est-ce que le dentifrice est vraiment une bonne astuce ?
Alors le premier conseil c’est de ne pas laver ses bijoux avec du gel douche, du shampoing ou du liquide vaisselle. Le dentifrice ça laisse une couche blanche !
La majorité des gens le font.
Il faut frotter par le dessous mais simplement à l’eau claire.
Sinon on peut aussi rajouter du vinaigre blanc. C’est très bien aussi.
Pour des bijoux très anciens ornés de diamants ou de saphirs et qui ne sont pas facilement accessibles, car il y a beaucoup de choses, l’astuce est de les tremper dans du coca. Le coca va tout manger. Ensuite un petit coup de brosse à dents et de l’eau claire.
Mais il faut faire très attention, car toutes les pierres n’aiment pas le coca !
Si vous utilisez une brosse à dents électriques il ne faudrait pas nettoyer les émeraudes avec. Il y a des fissures. Aussi, ne lavez surtout pas d’émeraudes avec l’ultrason car ça les casse.
Comme toutes les pierres sont différentes il est difficile de donner des astuces.
Mon second conseil serait de ne pas mettre tous les bijoux en vrac dans la même boîte à bijoux. Les pierres se rayent entre elles.
Le diamant va tout rayer. Un saphir aussi. Il faut vraiment les séparer.
Faites-vous des expertises par correspondance ?
C’est impossible d’expertiser d’après une photo. Pour expertiser via la Poste, ce qui est compliqué c’est quand les gens n’ont pas confiance. Du coup pour les gens que je ne connais pas je préfère faire l’expertise devant eux. Comme ça pas d’ambiguïté, ils sont sûrs que je n’ai pas changé la pierre en cours de route. Je le fais quand j’ai 100 % confiance.
Quelles pierres vendez-vous le plus ?
Le diamant. Mais il y a aussi l’aigue-marine. Elle a un peu disparu de la bijouterie et a été remplacée par la topaze qui n’a pas la même valeur. La topaze n’est pas une pierre naturelle et elle est très bon marché. L’aigue-marine est naturelle et plus chère.
Il y a aussi la tanzanite ou bien le saphir. Je vends beaucoup de pierres de collections.
Est-ce qu’il y en a une qui est très fragile mais on ne le sait pas forcément ?
Les pierres ont toute une dureté différente. Chaque gemme est classée sur l'échelle de Mohs (l’échelle qui mesure la dureté des minéraux). Un diamant ayant une dureté de 10, rayera toutes les pierres en dessous, le saphir qui a une dureté de 9, rayera toutes les pierres en dessous mais sera rayé par le diamant. Etc.
La poussière, l'acier et tout ce qui nous entoure a en général une dureté de 7. Donc si vous voulez faire une bague avec une tanzanite (dureté 6,5) il faudra en prendre le plus grand soin, car le simple fait de faire la vaisselle pourrait la rayer alors qu'en pendentif elle sera plus protégée.
D’autres petits conseils à nous donner ?
N’achetez pas à l’étranger c’est le plus grand conseil que je puisse donner. Aussi, arrêtez d’écouter tout ce qui se dit comme par exemple acheter cinquante euros le bidon pour laver ses bijoux, alors qu’on peut faire à l’eau claire. On a tout ce qu'il faut chez nous et ça ne coûte rien.
Aussi, ne vendez pas l’or. On va vous le racheter environ quinze euros le gramme. Et vous le rachèterez cinquante euros le gramme. Si le bijoutier vous dit qu’il vous rachète votre or et vous vend un autre bijou, non. Ce n’est pas honnête. Il faut que le bijoutier refasse d’après votre or.
Un très grand merci à Valérie !
Cette interview c'est mon petit cadeau pour La Taillerie qui fêtera cette année, en octobre, ses trente ans.
J'espère que vous aurez eu autant de plaisir à lire cette interview que moi à la faire.
Pour contacter La Taillerie, vous pouvez vous rendre sur son site www.lataillerie.com , par e-mail contact@lataillerie.com ou par téléphone 03 84 33 18 33.
A très bientôt !
Giulia